TrĂšs franchement, si on mâavait dit que ce serait aussi dur, je ne suis pas sĂ»re que je lâaurais fait. Seulement voilĂ , jâai crĂ©Ă© ce stage parents-enfants. Ăa fait des annĂ©es que je doute devoir aller dans le sens d’une telle proposition. Je ne mâĂ©tais pas tellement trompĂ©e. Mais pas sur ce que je croyais. C’est justement parce que c’Ă©tait dur qu’il fallait le faire.
LâidĂ©e dâamener les familles dans un lieu de repos vraiment dĂ©paysant Ă deux heures de chez eux, en pleine campagne normande Ă©tait une excellente idĂ©e. Je savais que je pouvais compter sur lâĂ©quipe bĂ©nĂ©vole du centre pour les accueillir au mieux. Ce fut le 1er succĂšs. Un Ă©merveillement pour beaucoup. Un cadre qui les dĂ©connecte. Pari rĂ©ussi.
Je savais aussi que mon programme tenait la route. MĂȘme deux routes, parallĂšles, puisque nous commencions la journĂ©e par des sĂ©ances de yoga et poursuivions lâaprĂšs-midi par des ateliers philo. Et sur ces deux routes, je dois rĂ©guler le trafic de voitures de course (les parents) et de voiturettes sans permis (les enfants) ⊠voilĂ un premier dĂ©fi. Ma chance, câest que malgrĂ© ces deux routes, jâai une direction assez claire qui structure mes progressions, beaucoup dâoutils simples et efficaces Ă partager. Suis plutĂŽt sereine. Trop et câest tant mieux.
Car trĂšs vite, une des petites voiturettes fait partir son moteur dans les tours, toutes sirĂšnes hurlantes ; notre benjamine de 4 ans et demi est au plus mal et nous le fait savoir de maniĂšre quasi continue malgrĂ© les tentatives dâapaisement de sa maman.
VoilĂ la difficultĂ© majeure : dans ce groupe parents-enfants, chaque famille reste responsable dâelle-mĂȘme et moi, bien que garante du cadre, je choisis de ne pas outre-passer pas la souverainetĂ© familiale. Pendant 3 jours, chacun, tour Ă tour, tente des approches de cette enfant qui souffre sans pouvoir le dire. Nous revenons Ă chaque fois impuissants Ă lâadoucir (et un peu plus sourds). Nous vivons donc des moments trĂšs difficiles. Mais nous les vivons ensemble.
Câest donc ici le trĂšs grand enseignement de ce sĂ©jour : plus que les techniques, et mĂȘme plus quâun environnement pacificateur, notre rĂ©ussite tient dans notre union. Je ne sais pas ce qui sâest passĂ© pour les autres, je me souviens que je leur ai parlĂ© de ma direction : maintenir une visĂ©e haute sur le cĆur et lâamour, surtout quand il sâagit dâĂ©lever nos enfants. Que ça, je le tenais de mon propre fils qui, avant dâentrer en maternelle il y a 12 ans, mâavait dit que « lâimportant, câest dâĂ©couter son cĆur » et que cela m’avait m’avait bouleversĂ© au point de transformer le reste de ma vie.
EpuisĂ©e la veille du dernier jour, jâouvre le message dâun ami Ă qui je venais de raconter cette histoire et qui sâest souvenu avoir lu la mĂȘme expĂ©rience, relatĂ©e par Blanche De Richemont dans son livre « Amours inconditionnels » :
« Longtemps, jâai surtout aimĂ© lâamour en chanson. Je prĂ©fĂ©rais la quĂȘte, le dĂ©passement, lâardeur, la sueur, la rigueur des dĂ©serts, lâĂ©toile inaccessible, la solitude habitĂ©e et les enchantements de lâinconnu.
Puis, un jour, tout a basculé.
Je donnais une confĂ©rence sur le dĂ©sert en Belgique, dans une maison en pleins champs. JâĂ©tais exceptionnellement venue avec mes deux enfants. Ă la fin de mon intervention, Perceval, mon fils aĂźnĂ© alors ĂągĂ© de quatre ans, a Ă©chappĂ© Ă la surveillance de son pĂšre. Il a marchĂ© au milieu du public, est montĂ© sur mes genoux, a pris le micro et a dit : « Mais, en fait, le plus important dans tout ça, câest lâamour. » Un grand silence a enveloppĂ© lâassistance. Perceval venait de balayer en quelques mots mes beaux discours. Jâai donc ajoutĂ© quâil nây avait plus rien Ă ajouter. »
Cette lecture mâa ramenĂ©e Ă mon point essentiel, prĂȘte Ă embrasser des montagnes de tristesse s’il fallait. Le lendemain, tous et tout Ă©taient apaisĂ©s.
Epilogue : jâaime bien quand mĂȘme les chansons. En rentrant, câest Frankie goes to Hollywood qui est venu me souffler au creux de lâoreille ce mantra Ă ne pas oublier : make love, your goal âŠ